Projet de stade de l’Union Saint-Gilloise sur le Bempt: We Are Nature introduit un recours contre la dérogation environnementale
Pour construire un stade sur le Bempt, l’Union Saint-Gilloise doit notamment détruire le site et les vivants non-humains qui s’y trouvent. Mais cela est illégal. L’URSG a donc demandé une dérogation à la loi pour avoir le droit de procéder à cette destruction. Bruxelles Environnement la lui a accordée le 22 juillet dernier, considérant qu’il n’y a pas d’alternative et que le stade représente un intérêt public majeur. L’analyse du dossier indique qu’aucune des motifs avancés n’est justifié en droit. We Are Nature a donc introduit un recours contre cette dérogation.
Alors que le changement climatique commence à produire ses impacts, déjà mortels, et que la 6ème extinction des espèces constitue elle aussi une menace vitale, l’intérêt public majeur est de protéger la nature pour le bien de tous.tes les bruxellois.e.s, pas de la détruire pour construire un stade de foot surnuméraire privatisé. Des alternatives existent pour que l’Union Saint-Gilloise poursuive son développement de manière responsable, sans détruire la nature à Bruxelles.
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Bruxelles Environnement a accordé à la RUSG, le 22 juillet 2025, une dérogation à l’ordonnance de conservation de la nature, pour détruire le Bempt et l’habitat des vivants non-humains qui s’y trouvent.1
Outre les 237 arbres que la dérogation autorise à détruire, 19 espèces d’oiseaux et 3 espèces de chiroptères protégées ont été localisées sur place. Bruxelles Environnement a justifié sa décision en considérant notamment que le projet de stade « répond au motif de raisons impératives d’intérêt public majeur », et « qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante au regard des objectifs poursuivis ».
Ces deux allégations sont manifestement erronées. Les dérogations sont prévues pour être des exceptions au système de protection des habitats et des espèces prévu par la loi (la directive européenne « habitat »), qui doivent être interprétées de manière restrictive. La charge de la preuve que les conditions requises sont bien remplies incombe à l’autorité délivrante, ici Bruxelles Environnement.
Première condition d’absence d’alternative : il y a pourtant des alternatives
Il est faux de dire qu’il n’y a pas d’alternative à la destruction des espèces et de leur habitat pour que l’Union Saint-Gilloise puisse augmenter sa capacité d’accueil et répondre aux prescriptions imposées par l’UEFA. Il existe actuellement une forme de mutualisation des stades avec le club d’Anderlecht2, et l’Union a également pu jouer à Louvain3. Bruxelles Environnement n’explique en rien pourquoi ces solutions, évidentes et fonctionnelles, ne pourraient pas se poursuivre. Remarquons qu’à Bruges, les pouvoirs communaux avaient imposé aux deux clubs locaux (Le Club Bruges et le Cercle Bruges) de partager un même stade unique4, ce qu’ils font depuis des décennies5. Il n’est pas raisonnable d’avancer qu’une telle solution ne pourrait pas être décidé également en Région bruxelloise, d’autant plus si cela permet de respecter la protection légale de la nature.
Bruxelles Environnement n’explique pas non plus pourquoi d’autres terrains déjà artificialisés ou bâtis (en ce compris une partie congrue du site désaffecté d’Audi) ne pourraient pas être utilisés pour construire un éventuel nouveau stade.
Rien non plus n’est dit de la possibilité de modifier le stade Marien et d’augmenter sa capacité, et d’éventuellement combiner sa reconfiguration à la location d’un stade aux normes UEFA pour les grands matchs, alors qu’Urban a démontré que le stade historique de l’Union pouvait être réaménagé.
Dès lors, la condition d’absence d’alternative n’est pas remplie, et la RUSG ne peut pas déroger à l’ordonnance de protection de la nature.
Deuxième condition d’« intérêt public majeur » : l’intérêt public majeur n’est pas de détruire la nature pour construire des stades de foots privés
Pour pouvoir invoquer des « raisons impératives d’intérêt public majeur », la RUSG doit également démontrer qu’elle remplit les critères légaux utiles. Elle ne le fait pas.
Accorder une dérogation au motif d’intérêt public majeur à chaque club de foot qui envisagerait de construire un nouveau stade sur un espace vert n’est pas compatible avec l’interdiction de détruire la nature, les espèces protégées et leurs habitats.
Il est par contre d’intérêt public majeur de maintenir les espaces naturels et la biodiversité qui y vit pour permettre l’adaptation de la Région bruxelloise aux effets du changement climatique et à la sixième extinction de masse de la biodiversité. La Région de Bruxelles-Capitale le reconnaît d’ailleurs dans plusieurs de ses outils planologiques, notamment le Plan de Gestion de l’Eau, le Plan Air-Climat-Energie 2030, mais également dans les orientations stratégiques décidées pour la révision du PRAS 6.
Troisième condition : la dérogation n’établit pas que le stade de la RUSG n’affecterait pas l’état de conservation des espèces animales présentes
Quant bien même les deux critères précédents auraient été rencontrés, la RUSG aurait encore dû prouver que la dérogation « ne nuit pas directement ou indirectement au maintien ou au rétablissement dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle » 7. L’Union Saint-Gilloise, pas plus que Bruxelles-Environnement n’ont pu le prouver, alors que le stade de foot détruirait entièrement le site, et les habitats des espèces protégées présentes sur place.
La dérogation accordée à la RUSG pour détruire la nature du Bempt ne repose donc sur aucune base légale admissible.
We Are Nature demande au Collège d’environnement, par l’intermédiaire de son conseil Mtre Letellier, de refuser cette dérogation.9
We Are Nature note également que Bruxelles Environnement ne lui a donné accès au dossier administratif que le 10 septembre en milieu de journée, c’est à dire quelques heures seulement avant l’échéance ultime pour introduire le recours2. Cela est évidemment très problématique et constitue une forme d’obstruction qui ne peut pas être acceptée.
Illustration: Klaus Littmann, « For forest », Worthsee Stadium Klagenfurt, Photo Gerhard Maurer
Contact presse :
1 Publiée au Moniteur Belge le 11 août 2025, une « dérogation à l’article 68, § 1er, alinéa 1er, 5° et 6° de l’ordonnance du 1er mars 2012 relative à la conservation de la nature pour abattre 237 arbres et détruire des habitats, des aires de repos et des sites de nidification ainsi qu’autorisant la perturbation visuelle et sonore des espèces en phase de chantier et d’exploitation afin de construire un nouveau stade de football. » https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article.pl?language=fr&sum_date=2025-08-11&lg_txt=f&caller=sum&s_editie=1&2025005996=27&numac_search=2025005996&view_numac=
2 https://www.rtl.be/sport/football/football-belgique/lunion-saint-gilloise-trouve-son-stade-pour-jouer-les-matchs-de-ligue-des/2025-07-10/article/756052
3 https://www.7sur7.be/football/l-union-jouera-ses-rencontres-europeennes-a-louvain-la-saison-prochaine~ae941eb8/
4 https://www.rtbf.be/article/bruges-d-accord-sur-la-localisation-du-stade-3511553
5 https://fr.wikipedia.org/wiki/Stade_Jan_Breydel
6 Voy., notamment, l’orientation 2 « rétablir le cycle de l’eau dans l’aménagement urbain », de l’objectif 2 « encadrer l’usage du sol pour préserver le vivant » des orientations stratégiques du PRAS. https://perspective.brussels/fr/actualites/share-city-le-gouvernement-bruxellois-valide-les-orientations-strategiques-de-la-modification-du
7 Article 83, § 1er, de l’Ordonnance de 2012.
8 La décision du Collège d’environnement sera susceptible de recours devant le Gouvernement de la Région bruxelloise.
9 30 jours après la publication de la décision.