La clef des sols – démystifions les arguments opposant nature et logement

Une triste histoire raconte que pour que tout le monde soit logé dignement, il faudrait absolument construire, construire et encore construire, et par la même occasion, détruire les sols naturels puisque l’espace manquerait.

Cette histoire est un mensonge.

Nous vous proposons 13 vignettes pour rétablir les faits, et commencer une nouvelle histoire, dans laquelle les citoyens décident collectivement qu’à Bruxelles personne ne sera plus obligé de dormir dans la rue, que le logement digne est la norme. Et que Bruxelles arrête de détruire la nature, qui nous fait vivre.

C’est l’histoire de Bruxelles vivante.

Entre 1993 et 2022, la Région bruxelloise a bétonné 13% de sa surface totale. Soit 2.180 Ha recouverts par du béton et de l’asphalte.

Le logement qui a été construit dessus est dans son énorme majorité du logement privé, financièrement inaccessible pour de nombreux bruxellois.

Pendant que la Région détruisait massivement la nature, les prix immobiliers explosaient et désormais, plus de la moitié des bruxellois.es entrent dans les conditions pour obtenir un logement social !

Arrêtons la fuite en avant, stoppons la destruction de la nature.

On entend souvent que Bruxelles compte 1 million de m² de bureaux vides. On sait moins qu’il y a également environ 500.000 m² de commerces et 500.000 m² de surface industrielle vides !

En réaffectant ne fut-ce que 25% de ce total au logement social, on obtient 500.000 m² habitables supplémentaires, soit environ 5.000 logements, sans toucher à la nature.

Et organiser l’occupation précaire de 25% supplémentaire permettrait de loger 10.000 ménages, sans toucher à la nature.

En comparaison, soulignons que la Région n’a construit que 1.361 logements sociaux en 20 ans, entre 2001 et 2020 !

Les sols sont le fondement de toute société humaine.

Ils nous fournissent des services essentiels :

  • ils soutiennent les cycles des nutriments alimentaires, toute la production primaire, l’habitat des vivants terriens, tous les transports,
  • ils fournissent la nourriture, le bois et les fibres, l’eau douce, les carburants, le stockage du carbone,
  • ils régulent le climat et la température, l’eau et les inondations, les pandémies,
  • ils ont une dimension esthétique, culturelle, spirituelle, éducationnelle, archéologique.

Ils hébergent la plus grande part de la biodiversité. Les sols sont des trésors, irremplaçables.

500.000 bruxellois.es sont dans les conditions d’accès à un logement social. S’il fallait construire autant de logements sociaux, il faudrait détruire tout ce qu’il reste ne nature à Bruxelles et cela ne suffirait toujours pas ! Et c’est bien sur impayable. Construire n’est pas la solution. Nous avons besoin d’un reprise en main du marché immobilier et de réguler les loyers.

Les loyers ont augmenté de plus de 20% entre 2010 et 2020, sans compter l’inflation ! C’est une cause cruciale de mal logement.

Nous avons besoin de diminuer globalement le prix des loyers et de les réguler grâce à un mécanisme contraignant.

Pas de détruire la nature.

Dictionnaire Larousse : Écocide : « Grave atteinte portée à l’environnement, entraînant des dommages majeurs à un ou plusieurs écosystèmes, et pouvant aboutir à leur destruction.  ».

Entre 1955 et 2022, la Région bruxelloise a détruit 4.385 Ha d’espaces naturels et de sols vivants, et toute la biodiversité qui y habitait. C’est colossal.

Cet écocide est réalisé par grignotage : de permis en permis, de projet locaux en projets locaux, la nature bruxelloise est massivement saccagée.

En 2023, 53% de la surface totale de la Région était imperméabilisée. Cela représente un risque considérable pour l’adaptation de la région à l’élévation des températures.

Il est temps d’arrêter l’écocide bruxellois.

Il y a 50.000 ménages sur la liste d’attente d’un logement social, cela ne veut pas dire qu’il faut construire autant de logements

Bruxelles ne cesse de s’étendre sur la nature, et cela n’empêche pas, au contraire, que le manque de logement sociaux se fasse cruellement sentir. La liste d’attente est passée de 31.140 en 2010 à environ 50.000 en 2023.

Mais contrairement à ce que l’on entend sans arrêt, cela ne veut pas dire qu’il faut construire autant de logements sociaux ! Les personnes sur la liste d’attente sont logées, mais mal, et trop cher.

Ce dont nous avons besoin, c’est de réduire et réguler les loyers, et de rénover les logements insalubres !

Cela ne nécessite pas de détruire la nature.

Planter des arbres est insuffisant pour nous adapter à l’élévation des températures

Planter des arbres et végétaliser la ville est nécessaire pour nous adapter au changement climatique, offrir des habitats à la biodiversité et soutenir la santé mentale et physique. Mais c’est (très) insuffisant. Francis Hallé, botaniste et biologiste de renom, explique que couper un arbre ancien et en replanter un jeune est une triple arnaque :

  • l’arbre ancien a une valeur patrimoniale, paysagère et biologique qui est détruite,
  • le vieil arbre ne coûte rien, alors que nous devons payer les jeunes arbres avec l’argent public,
  • il faut attendre 25 ans pour que la surface feuillue de trois jeunes arbres atteigne celle d’un arbre ancien.

Et en plus, de très nombreux jeunes arbres ne survivent pas à l’élévation des températures…

Conclusion : arrêtons de détruire les arbres !

Partis politiques, promoteurs, industrie du béton, tous veulent construire.  La « crise » du logement (qui dure depuis trente ans….) a bon dos : selon eux, refuser la construction, ce serait refuser le droit au logement ! Pourtant, en 2022, il y avait 34.033 logements de plus que de ménages enregistrés à Bruxelles. Et il y a des millions de m² vides (cf vignette #2). Mais personne ne sait exactement où se trouvent ces bâtiments vides, ni dans quel état ils sont, ni à qui ils appartiennent ! Parce qu’il n’y a pas de cadastre du bâti bruxellois.

Espérer résoudre la crise du logement sans savoir comment est utilisé le bâti existant, c’est piloter en aveugle.

Dans ces conditions, commençons par arrêter de détruire la nature aveuglément et exigeons un cadastre du bâti.

Les inégalités sociales influencent fortement l’accès à la nature : les personnes défavorisées sont contraintes de vivre dans des quartiers qui sont ceux où la nature est la moins présente.

Certains pensent que pour résoudre cette inégalité, il est légitime de bétonner la deuxième couronne pour que des personnes du centre puissent s’y installer.

C’est une triple impasse :

  • détruire la nature là où il y en a encore ne permet pas de la partager équitablement,
  • la nature en deuxième couronne permet de réduire la température et de limiter les inondations dans le centre, et héberge la biodiversité,
  • cela revient à dire que la nature n’a pas de valeur en elle-même, or, c’est cette logique qui nous détruit.

La Région n’a pas de cadastre du bâti existant (cf. #8). Mais pour lutter contre le mal-logement, elle dispose d’une (bonne) législation qui interdit de laisser des logements vides trop longtemps. Elle a donc essayé d’identifier les logements vides avec plusieurs études universitaires et en créant une équipe de fonctionnaires qui enquêtent sur le terrain. Résultat des courses, on en sait un peu plus, mais ce n’est toujours pas clair !

Trois choses sont certaines :

  • il y a des milliers de logements vides pendant de longues durées,
  • certains peuvent être réquisitionnés et remis en location par les pouvoirs publics,
  • d’autres pourraient être occupés temporairement.

Sans aucune destruction supplémentaire de nature.

C’est ce que prévoient des météorologues de plus en plus nombreux. 50°C est une température létale pour de nombreuses personnes, notamment les enfants, les femmes enceintes, les personnes âgées, le personnes qui souffrent de maladies cardiaques et respiratoires et les personnes diabétiques.

A 50°C, l’organisme a de grandes difficultés à évacuer la chaleur, et s’il fait également chaud la nuit, le corps peut ne plus pouvoir se refroidir.

2050, c’est dans 25 ans.

Il est urgentissime de se préparer à cette prévision très réaliste.

La meilleure option dont nous disposons est de laisser beaucoup plus de place à la nature : elle rafraîchit la ville. Commençons par arrêter de la détruire !

S’il manque de logement, on peut les construire sur les sols déjà artificialisés. On peut aussi surélever certains bâtiments en hauteur. Mais lesquels ?

Une étude a été initiée en 2013 pour identifier ces bâtiments, mais elle a été interrompue. Pourquoi ? Strasbourg, qui a réalisé une étude de ce genre, a identifié 16.500 bâtiments surélevables sur les 150.000 que compte son agglomération.

Bruxelles compte 195.000 bâtiments.

Explorons cette piste plutôt que de détruire aveuglément la nature.

Pour améliorer la qualité de vie en ville, et adapter les cités à l’élévation des températures, le professeur Cecil Konijnendijk a inventé la « règles 3-30-300 ».

Il s’agit de modifier la ville pour que :

  • chaque citadin puisse voir 3 arbres depuis son logement,
  • 30% de la surface de chaque quartier soit végétalisée,
  • chaque citadin ait accès à un espace naturel de qualité d’au moins un hectare à moins de 300m de son domicile.

Pour y arriver à Bruxelles, commençons par arrêter de détruire la nature.