Campagne communale de WeAreNature : un silence imposé par décret régional

Vous vous en souvenez, le 12/06/2024, en même temps que nous amenions le gouvernement bruxellois devant les tribunaux, nous lancions une campagne communale destinée à mobiliser cet échelon de pouvoir. Les communes jouent en effet un rôle très important dans l’a-ménagement du territoire, notamment en délivrant certains permis d’urbanisme, en les sollicitant, en organisant les enquêtes publiques, en remettant des avis, etc.

Là encore vous avez été formidables : après notre appel, rapidement plus de 200 courriers environ sont partis en direction des 19 communes. Toutes les communes ont répondu, parfois de manière très officielle, parfois par l’intermédiaire d’un ou de plusieurs échevins compétents.

Et c’est là que cela se complique, ce qui explique notre silence relatif sur la suite de la campagne.

Il est apparu clairement que nous devions considérer les réponses reçues avec prudence, et dans certains cas avec une certaine défiance. Ainsi :

  • la commune de Bruxelles 1000 a affirmé qu’elle respecterait le moratoire et qu’elle délivrerait même des PPAS (Plan Particulier d’Affectation du Sol) pour protéger plus d’espaces naturels. Pourtant, cet été, en pleine période de congé scolaire, le bourgmestre (PS) de la même commune a re-demendé le permis de détruire le Donderberg à Laeken (1020), et Ans Persoons (Vooruit) l’a délivré ! Les ami.e.s de Save Donderberg avaient fait suspendre le permis précédent. Cela aurait pu conduire à un tout petit peu de prudence écologique et de respect des citoyens, mais il en a été tout autrement, malgré la réponses de la commune à vos courriers,
  • à Watermael-Boitsfort, la commune a formulé une réponse alambiquée, jouant sur des mesures prévues dans des plans anciens, pour déclarer qu’elle comptait protéger le champ des cailles alors qu’elle prévoyait en même temps d’en urbaniser une partie. La bonne nouvelle, c’est que désormais tous les partis de Watermael-Boisfort, à l’exception du PS, prévoient de préserver intégralement le champ des cailles. Il est clair que les nombreux courriers que vous avez envoyé ont joué un rôle. Et il est tout aussi clair qu’il faut anticiper une mobilisation pour sauver le champ des cailles. Les préparatifs sont d’ailleurs déjà en cours.
  • A Forest, où plusieurs dossiers importants se jouent (le marais Wiels, le projet de stade privé sur le Bempt, le projet de construction sur le bois de la Grappe), vos courriers ont eu un impact certain. C’est la seule commune où une formation politique, Ecolo-Groen en l’occurrence, a inclut notre demande de moratoire dans son programme pour les élections communales ! (mesure 1.2.2). Mais concernant le projet de stade par exemple, la plupart des autres partis ne semblent pas du tout déterminés à faire passer la nature et les gens avant les profits privés du promoteur. Nous suivrons ces dossiers de près et n’hésiterons pas à agir, y compris en justice, pour préserver ces espaces naturels indispensables.
  • A Ixelles, nous avons reçu des réponses positives à notre interpellation communale pour préserver les espaces naturels, mais cette même commune défend en ce moment même un PPAS qui projette de détruire une part importante du site Ernotte-Varda, en ce compris une zone de liaison écologique indispensable de la trame écologique ! Les potagistes avaient déjà repoussé un projet d’urbanisation en 2017, mais la commune (cette fois Ecolo) revient à la charge. Nous nous tenons donc aux côtés du collectif Ernotte-Varda et avons introduit un recours au conseil d’Etat pour faire annuler ce PPAS. Nous agirons fermement pour que la prochaine majorité communale, quelle qu’elle soit, protège intégralement et durablement ce site précieux,
  • A Anderlecht, les projets d’urbanisation sont aussi nombreux. Nous suivons deux dossiers pour l’instant :
    • le projet de piscine dans l’étang moyen du Neerpede, contre lequel nous avons introduit un recours aux côté de Sauvegardons Neerpede. Le dossier judiciaire poursuit son chemin. Mais la mobilisation, ample et de longue haleine, initiée et portée par Sauvegardons Neerpede, renforcée par vos courriers, a déjà largement payé puisque désormais, TOUS les partis politiques de la commune sont opposés à ce projet de piscine ouverte dont les impacts sur la biodiversité, l’eau, et le milieu de vie des habitants seraient fortement problématiques.
    • Nous bataillons également pour la ré-ouverture d’un stade désaffecté à la rue Verdonck dans le quartier Scheut, redevenu espace naturel, et fermé depuis une vingtaine d’année. Il est nécessaire de rendre cet espace accessible aux habitants, dans ce quartier en carence d’espaces verts. Il est clair que là encore la campagne a eu un impact positif dans la prise en compte de nos demandes (voir ci-dessous).

Ailleurs, nous avons observé que la plupart des partis politiques ont fait remonter dans leur agenda la question de la préservation des espaces naturels et de l’adaptation de la ville au changement climatique. Notre mobilisation collective produit donc des effets très positifs. Mais les exemples ci-dessus indiquent bien qu’il est nécessaire de rester vigilants, mobilisés et actifs.

Une décision régionale, passée tout à fait sous le radar des médias, en témoigne de manière criante. Vous vous en souvenez peut-être, nous avions prévu d’interpeller les 19 communes dans le cadre de notre campagne communale. Les citoyens disposent en effet d’un droit d’interpellation au Conseil communal. Cela permet à tout un chacun, moyennant le respect d’une procédure légale, de poser des questions aux autorités communales.

Une équipe s’est donc mise en action et une activiste a préparé une action coordonnée pour les 19 communes. Mais au moment de lancer cette action, nous avons pris connaissance avec la plus grande consternation de la décision du gouvernement bruxellois de suspendre ce droit 6 mois avant les élections !

Une modification a en effet été apportée le 22 février 2024 (voir ordonnance Numac 2024001665, publiée au Moniteur Belge le 26 février 2024, insérant l’article 317/2 §1er, 13°) à la «  Nouvelle loi communale  » qui prévoit notamment ce droit d’interpellation. En plus d’interdire l’interpellation citoyenne 6 mois avant les élections, des critères techniques à respecter ont été ajoutés, et pour pouvoir interpeller la commune il faut désormais que 25 citoyens fassent la demande, contre 20 auparavant.

Cette décision est un recul très net de la participation citoyenne dans la délibération publique au niveau de la commune. C’est une initiative du gouvernement, pas du parlement, qui a été signée par le ministre-président Rudi Vervoort et les ministres Elke Van den Brandt, Alain Maron, Sven Gatz, et Bernard Clerfayt.

L’ordonnance justifie l’interdiction d’interpeller 6 mois avant les élections de la manière comme suit : « L’interpellation n’est pas recevable si elle est déposée dans une période de six mois précédant les élections communales; en effet, pendant cette période que l’on peut qualifier de «période suspecte», il faut éviter le risque que l’interpellation soit une démarche politique; en outre, les administrations communales connaissent en cette période une surcharge de travail en raison de la préparation des élections communales à venir »

 (http://weblex.brussels/data/crb/doc/2023-24/149132/images.pdf p. 8-9). Il ressort des débats au parlement (https://www.parlement.brussels/weblex-doc-det/?moncode=QB281&montitre=A-808/1-23/24&base=1&taal=fr) que cette interdiction était surtout destinée à éviter les questions qui fâchent, l’exemple de «  good move  » étant clairement cité. Les partis de la majorité voulaient décidément éviter autant que possible de devoir répondre aux citoyens…

Nous avons donc d’ores-et-déjà un exemple concret du caractère déplorable et négatif de ce recul démocratique à l’échelle communale  : contrairement à ce que nous avions prévu, il nous a été impossible d’interpeller les élus sur leur volonté de protéger les espaces naturels, pour adapter les communes aux effets du changement climatique… parce nous étions dans une période que les partis politiques du gouvernement jugent désormais «  suspecte  », c’est à dire 6 mois avant les élections  !

Cette décision est scandaleuse, et témoigne du problème de gouvernance fondamental qui abîme tant la démocratie à Bruxelles. Il est nécessaire de corriger ce recul démocratique et nous nous mobiliserons en ce sens.

Que conclure au final de notre campagne communale ? Pour nous, le message est clair et se résume en quatre points :

  1. les mandataires politiques ne sont pas tous les mêmes, il y a des positionnements et des visions différentes d’une commune à l’autre, d’un parti çà l’autre et même à l’intérieur des partis eux-mêmes,
  2. les situations sont très variables d’une commune à l’autre, et il n’est pas possible d’obtenir une réponse univoque et claire des partis politiques, y compris au sein d’une même commune,
  3. les partis politiques fuient le débat démocratique, ils ont décidé de suspendre l’outil de l’interpellation communale, qui est important à cette échelle de pouvoir, pendant toute la durée de la campagne qu’ils ont jugée être une « période suspecte »…,
  4. et surtout, la mobilisation constante, ça marche !

On continue.

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